Édition du vendredi 18 septembre 2015
Isabelle Maincion : « On va perdre les moyens de tisser du lien social »
© D.R.
Quelques mots tout d’abord pour présenter votre commune ?
C’est une petite commune de 1360 habitants, qui appartient à la communauté de communes du Pays de Vendôme. Pour l’instant, la commune a encore tous ses services – médecin, pharmacien, kiné, dentiste, deux maisons de retraite, etc. La commune compte quelques « TGVistes » qui travaillent à Paris, qui n’est qu’à 45 minutes, Une de nos particularités est d’avoir 28 % de logements sociaux – parce que pendant longtemps il y a eu un gros secteur industriel sur La Ville-aux-Clercs, aujourd’hui disparu. Il y a une paupérisation importante et préoccupante chez ceux qui habitent dans le secteur HLM.
La Ville-aux-Clercs a un budget de 900 000 euros par an.
Que va vous coûter la baisse des dotations ?
J’avais un peu plus de 200 000 euros de DGF. Je vais en perdre 30 %, et à terme 40 %.
Notre principal souci aujourd’hui, c’est que nous avons investi ces dernières années, notamment dans un restaurant scolaire. Cet investissement, nous l’avons fait suite à une prospective faite par le comptable public, pour être sûrs de ne prendre aucun risque. Et évidemment, cette prospective avait été faite à DGF constante ! Alors la baisse – et la baisse rapide – de la dotation de l’État nous met dans une situation très difficile. Il a donc fallu prendre des mesures de toute sorte. Avant, nous organisions un repas des anciens et nous offrions un colis ; maintenant ils auront le choix, ce sera soit l’un, soit l’autre. Nous avons supprimé un feu d’artifice, augmenté un peu les impôts que nous avions réussi à diminuer pendant le mandat précédent. Autre mesure : nous avons baissé les indemnités des élus. Je trouve que ce n’est pas normal de devoir faire cela, mais les habitants y ont été très sensibles. Nous avons dû aussi baisser les subventions aux associations, en privilégiant davantage celles spécifiquement dédiées au lien social. Enfin j’ai supprimé un emploi de contractuel, qui faisait l’entretien technique de la voirie et des bâtiments.
Avez-vous dû remettre en cause des investissements ?
Oui. Nous étions engagés dans une rénovation de vieux bâtiments, qui étaient très énergivores, afin de réduire nos dépenses de fonctionnement. Cet investissement est remis en cause, parce qu’il faut rembourser les emprunts de nos investissements passés, et que nous n’avons plus les moyens d’en faire beaucoup plus.
Je suis en charge des finances à la communauté de communes, et l’exercice y est tout aussi périlleux. Par exemple, nous sommes en train de nous résoudre à restreindre l’accueil temporaire des petits enfants en halte-garderie. Tous les services à la population qui sont facultatifs vont devoir être restreints – je ne vois pas comment faire autrement.
Comment se passe le dialogue avec la population sur ces sujets ?
J’ai un petit magazine que je diffuse aux habitants, dans lequel j’ai annoncé la journée de samedi, j’ai également annoncé certaines décisions par courrier, sur ce qui concerne les anciens, par exemple. J’ai des retours par internet qui me permettent d’avoir un dialogue. Et puis nous sommes une petite commune, je discute avec les gens directement dans la rue. Il y en a qui comprennent les enjeux et les difficultés mais il existe aussi toute une partie de la population qui ne comprend pas. Ce sont des mauvaises nouvelles, qui sont difficiles à appréhender. Ma démarche est tout de même d’associer les habitants, de leur demander leur avis – de leur demander par exemple ce qui leur paraît le plus futile et qu’ils accepteraient le mieux de voir disparaître.
Que va-t-il se passer le 19 septembre dans votre commune ?
Déjà aujourd’hui, vendredi, je pars avec d’autres membres du bureau de l’association départementale des maires voir le préfet, pour lui exposer une nouvelle fois nos difficultés.
Samedi, j’ouvre la salle du conseil municipal, où je vais diffuser le petit film réalisé par l’AMF, et où un ordinateur sera à disposition pour signer la pétition.
Mais pour moi, cette journée n’est pas un aboutissement, c’est un lancement, c’est le début de quelque chose. À chaque occasion, à chaque prise de parole publique, je reviendrai à la charge pour expliquer aux habitants qu’avec moins de dotations, on va perdre les moyens de tisser du lien social, sans parler de la baisse d’attractivité pour le territoire. Il va falloir répéter, dialoguer, expliquer, tous les jours.
Propos recueillis par Franck Lemarc
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